Piégé ! (04/05) [PV: Swann]

Le manoir Tully se dressait au milieu du quartier, tel un champignon gangréné dans un champ d'herbe. Depuis les décès prématurés des parents Tully, la maison s'était détériorée à un point que nul ne pouvait la reconnaître. Autrefois charmante bicoque, sa façade avait été repeinte en noir à la hâte, plusieurs volets avaient été arrachés, la pelouse autrefois florissante de fleurs délicates n'était plus qu'un ramassis d'ordures et de canettes de bières. Une pancarte de vieux bois avait été plantée en plein milieu de ce dépotoir, ou était peint, en un rouge bien criard « KEEP OUT ».
Même les habitués du coin évitaient l'endroit comme la peste. Le repaire de la jeune femme faisait vraiment penser à un endroit ou crècheraient une demi-douzaine de psychopathes sanguinaires.
L'énorme tache de sang sur l'une des fenêtres, et l'épaisse masse de saletés sur les autres n'arrangeait rien à la déplaisante sensation lorsque le portail rouillé s'ouvrait en grinçant.
Da cracha un énorme mollard et donna une petite tape sur le dos du gamin pour le faire avancer à travers la petite allée de gravier, bien cachée sous les mauvaises herbes qui infestaient le jardin, puis referma le lourd portail derrière elle, à double tour.
A petits pas légers, elle rattrapa l'enfant et lui adressa un sourire rassurant, comme s'il n'avait rien à craindre. Sur le chemin, ses gestes s'étaient faits plus doux. Elle ne l'avait presque plus baffé depuis la dernière fois.
Avec délicatesse, et dans un silence absolu, elle poussa la lourde porte repeinte en noir, et déposa une petite caresse sur les cheveux blonds du garçon pour l'inviter à entrer. A peine avait-il fait deux pas devant elle que la jeune femme lui décocha un puissant coup de pied dans le dos, le faisant tomber à la renverse dans l'appartement.
Aussitôt, elle referma la seule sortie possible, pour contempler sa proie prise au piège.

Plongée dans l'obscurité, la maison s'éclaira lorsque le déclic de l'interrupteur se fit entendre. La pièce principale n'était pas devenue un dépotoir comme le jardin, mais...pas loin. Sur les meubles s'entassaient boites de pizzas vieilles de quelques temps déjà (très repérables à l'odeur) et des bouteilles d'alcool pour la plupart bien entamées.
La cheminée accueillait une litière pour chat, dont le petit Patapoil vint s'extraire paresseusement en miaulant pour saluer sa maitresse. Dans un coin, ce qui autrefois avait été une plante verte gisait morte, flétrie par un total manque d'arrosage.
Des vêtements et sous-vêtements trainaient par terre ainsi que...un peu partout dans la pièce, se mêlant harmonieusement avec les bouteilles, les boites de pizzas, les cendriers dont dépassaient les contenus, les CDs de musique et les poils de chat. Si c'est pas une belle vie, ça...
Lentement, Da se dressa de toute sa hauteur, pour ensuite mieux se pencher vers le petit homme en plein milieu de son salon. Le petit chat noir venait affectueusement se frotter à lui.

-Bien, maintenant mon canard, je te donne trois secondes, tu entends ? Exactement trois foutues secondes pour m'expliquer tout ce foutoir, ou je te fais gicler les yeux des orbites et je t'empaffe le crâne !

Le ton mauvais dans sa voix n'indiquait que trop clairement qu'elle était sérieuse.

La peur qui émanait du garçon et qui menaçait de le faire mouiller ses pompes énerva la jeune femme au point de lui faire saillir une veine sur le front. D'un coup de poing rageur, elle envoya valser une pile de boites de pizzas déjà peu stable. Le petit Patapoil qui trainait nonchalamment autour du gamin feula et retourna en vitesse dans sa litière, ayant compris depuis bien longtemps qu'il valait mieux éviter les colères de sa maitresse
Une voix résonnait dans la tête de Da, une voix qui n'était pas la sienne, une voix d'homme, insidieuse comme sortie de la bouche d'un serpent et brutale. Une voix qui répétait sans cesse « Tue ! ».
Sa bouche se trouva soudainement pâteuse, elle bredouilla quelques paroles inintelligibles, ses paupières s'agitaient nerveusement, et elle regardait droit devant elle, sans plus s'intéresser à l'enfant. D'un coup, elle plaqua sa main contre son œil droit avec violence en se mordant la lèvre si fort qu'un filet de sang lui dégoulina sur le menton. Fixant avec une rage à peine contrôlée une brique de la cheminée, elle proféra à son encontre des menaces incompréhensibles tout en tendant vers elle un doigt tremblant.
Soudainement, ses pieds perdirent leur stabilité, et la jeune femme chancela un instant avant de perdre l'équilibre. De justesse, elle se rattrapa d'un bras au canapé, qu'au passage elle faillit entrainer dans sa chute. Peu à peu, elle reprit ses esprits en même temps que ses repères. Le plafond était toujours en haut, le plancher en bas, le gosse toujours dessus, et elle toujours debout. La voix s'était tue, mais son œil droit s'agitait toujours avec nervosité.

-La ferme ! Les questions, c'est moi qui les pose, ici, tu piges ?!

Elle mit environ deux secondes avant de se souvenir qu'il n'en avait pas posé, en fait. Mais ça ne l'empêcha pas de continuer comme si de rien n'était.

-J'te parle de la pouffe de tout à l'heure, celle au bonnet F que t'as fait apparaître ! Tes trois secondes sont écoulées, t'as intérêt à m'dire tout ce que tu sais sinon j'te coupe ta virilité pour t'empêcher d'contaminer le reste du monde, gamin ! Hurla-elle d'un coup, son agressivité décuplée après cette mauvaise expérience.

Quelques instants, son regard se détourna du garçon, qu'elle avait de plus en plus de mal à supporter, tant il était déplaisant, et se posa sur l'intérieur de sa main, au creux de laquelle elle s'était faite tatouer, sans savoir pourquoi, un symbole japonais signifiant «Cendre». La jeune femme haussa un sourcil malicieux puis fixa avec insistance le petit. Dans la réserve trainait encore un chalumeau... Intéressant, tout cela. De quoi se faire un bon rôti de canard...

Possession...
Le mot traina un long moment dans l'esprit de Da, tandis que son regard dérivait vers les endroits d'où émanait la voix de l'esprit. Ça expliquait peut-être le regard bicolore du gamin.

-Po-sse-ssion... murmura-elle en fixant du regard son chat, à peu près seule créature sur terre qu'elle n'avait jamais eu envie de malmener sauvagement.

Toute une artillerie de théories pour la plupart farfelues commençaient à germer dans son esprit, et si cette Alyssa était bien un esprit, ou un truc du même genre, il y avait une chance pour que...Cette pensée lui colla une migraine insupportable, à telle point qu'elle en eut envie de vomir. Cette voix, qu'elle entendait continuellement, pourrait-ce être...? Et ces rêves d'où surgissaient des images du passé, emplis de sang et de violence ?
Toutes ces questions sans réponses...lui donnaient envie de passer ses nerfs sur une proie faible, et très vite, son malaise se mua en colère. Chance, aujourd'hui, deux esprits à martyriser pour un seul corps. Son œil droit lui faisait un mal de chien, si bien qu'elle fut obligée de le fermer, mais même ainsi, la douleur ne se fit pas moins forte.

-Primo, pouffiasse, tu prends pas c'ton là avec moi. T'es un esprit, donc t'as même pas la force de te gratter le cul seule, alors fais pas ta maligne. Fais pas ta sadique détraquée non plus, t'as pas envie qu'il crève pasque si c'est le cas, tu t'retrouves sans corps, vrai ? HA! Ça doit être chiant d'être dans un corps aussi pourri, vrai ?

La jeune femme éclata d'un rire gras et mauvais, s'amusant à se moquer du petit et d'Alyssa en même temps. A vrai dire, cette dernière lui plaisait assez, de par son tempérament. Enfin, déjà plus que le gamin, ce qui n'était pas dur non plus. Quoiqu'en fait, sa condition était plus que misérable. Non seulement elle était prisonnière d'un corps handicapé mental et physique (un pèquenot d'enfant, quoi...Oui, Da, rappelons-le, n'aime pas les enfants...), mais en plus elle ne le possédait pas à proprement parler, et ne pouvait visiblement pas le diriger à sa guise. Dur d'être un esprit, en fait...

-Quant à c'qui me motive, t'as pas à le savoir. Vous avez pas à le savoir, tous les deux. J'm'apelle Da, j'voulais juste quelques réponses à mes questions, point barre.

Elle pointa son doigt vers l'enfant et lui grogna comme on parle à un animal :

-Maint'nant, canard, tu les parler les gonzesses entre elles, et si t'oses ouvrir ta grande gueule, j'te dévisse la tête. Bonnet F ! Comment t'as fait pour te r'trouver dans un truc pareil ? (Elle pointait toujours le truc en question du doigt).

Même si la douleur ne diminuait pas en intensité, Da sentait bien qu'elle allait se tordre de rire en entendant l'histoire de l'infortunée Alyssa qui par malheur avait échoué dans une épave humaine pareille.

La jeune femme se gratta le menton en méditant silencieusement sur les plans machiavéliques d'Alyssa. Effectivement, lorsqu'on est un esprit, quelques dizaines d'années, ça doit pas être grand-chose. Bonnet F semblait être fière de tous ses projets, mais sa condition était quand même merdique...
Mis à part une vie éternelle à traverser les murs et pouvoir espionner les ébats sexuels des voisins, être un esprit n'avait rien de terrible, du point de vue de Da. Pas de sexe, pas de meurtre, alcool ou drogue (et ça, on peut difficilement le faire par l'intermédiaire d'un esclave, même le plus docile), l'idée même était insupportable pour Da.
Elle ricana devant les « qualités » du petit, énoncées par Alyssa, puis soupira.

-Hé! Mouais...pas terrible quand même, ton truc. Un vrai corps avec toutes les choses qu'on peut faire avec, ça t'manque pas ?

Nerveusement, elle mit son index sur sa lèvre, le faisant jouer sur ses dents, et d'un coup, s'arracha l'ongle dans un bruit sec et sanglant. Un sourire aux dents maculées de sang vint éclairer son visage rongé par le manque de sommeil et de plus en plus gangréné par la folie.

-Tu peux plus ressentir la douleur, ça, ça te manque vraiment pas ? Ou l'infliger aux autres, c'qu'est encore mieux, me dis pas que ça te manque pas, j'suis sûre que tu prenais ton pied à planter des trucs pointus dans tout c'qui passait.

Dans un bâillement, elle se laissa lourdement tomber sur le canapé, sur lequel elle essuya son doigt taché de sang, et émit une sorte de miaulement capricieux. Son regard se posa sur l'animal qui rampait toujours par terre comme une larve -Swann, si elle se souvenait bien- et la jeune femme s'efforça de le considérer autrement que comme un enfant pleurnichard, faible, et laid, mais comme un futur sujet de distraction. Jamais elle n'avait fait de projet à long terme. De nouveau, elle passa sa main sur son menton, le barbouillant de sang au passage.

-T'as de la chance, j'vais le laisser vivre pour cette fois, mais t'as vite intérêt à l'dresser mieux que ça. Con comme il est, y va s'attirer des emmerdes aussi grosses que tes seins. Au fait, j'viens d'y penser, mais ça t'fait quel âge ?

De nouveau,Da se gratta le menton d'un air émerveillé, en mettant du sang partout, lorsqu'elle constata que le bambin n'était finalement pas si mal dressé que ça. Effectivement, si Alyssa continuait dans cette voie, dans quelques années, elle aurait un automate esclave totalement dévoué à sa cause. Un moment, elle jalousa cette vie éternelle dans la mort, avant de se reprendre bien vite et de chérir cette vie de chair, éphémère mais si plaisante.
Puis, vive comme l'éclair, la jeune femme fit volte-face pour bloquer la porte du pied, empêchant le gamin de l'ouvrir, ne se souvenant plus si elle l'avait fermée convenablement.
Dépassant l'enfant de deux bonnes têtes, elle le toisa du regard, un sourire intimidant figé sur ses lèvres.

-T-t-t-t. J'ai dit que j'te laissais vivre, pas que j'te laissais filer.

A vrai dire, elle l'aurait pu, mais elle tenait absolument à voir comment Alyssa faisait pour l'éduquer. Tout de même, au fond d'elle-même, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de penser à son brusque changement de comportement, voilà bien des années. A l'époque, elle avait cru se libérer d'un lourd fardeau, mais si quelque chose lui était bel et bien arrivé ?
Peut-être Alyssa avait-elle des réponses, même si elle ne semblait guère disposée à en fournir. Pour la question de l'âge, elle voulait bien évidemment savoir depuis combien de temps l'esprit était mort.

-Pas grave pour l'âge, j'peux pas t'obliger à répondre (Ne pas pouvoir étrangler un esprit peut s'avérer réellement désappointant). Depuis quand t'es fixée à lui ?

Sortant une clé de sa poche, elle la tourna trois fois dans la serrure, lentement, très lentement, afin de bien faire comprendre au garçon qu'il était privé de sortie. Définitivement. Négligemment, elle rangea la clé dans son décolleté. Si jamais elle décidait de le garder prisonnier, les chances pour qu'il vienne la chercher là étaient minces. Les enfants et leur peur des madames sont si mignons...
Son nom échappait toujours à la mémoire de Da, comme toutes les choses inutiles et dont il n'est pas la peine de se rappeler, d'ailleurs.

-Si tu cherche un coin tranquille et agréable à vivre ou tu pourras l'dresser conv'nablement, tu peux crécher ici s'tu veux. Chuis curieuse de voir comment tu vas t'y prendre.

Avec précaution, elle tentait en vain d'ouvrir son œil droit, qui était encore agité de soubresauts et de tics. La douleur ne diminuait pas en intensité...

Ignorant totalement le mioche braillard, ce qui aurait pu passer pour une mauvaise idée, au vu du nombre d'objets tranchants ou contondants qui trainaient dans la pièce, Da adressa un grand sourire à Alyssa, qu'elle ne pouvait toujours pas voir.
Négligemment, elle posa son coude sur la tête du garçon, qui se trouvait juste à la bonne hauteur. Les menaces qu'il proférait à son encontre ne l'impressionnaient pas le moins du monde. Des types arrogants, fiers-à-bras et grandes gueules, la jeune femme en avaient vu des tonnes, et en avait tué presque autant. Très peu étaient réellement capables de mettre à exécution leurs menaces, et le petiot ne faisait pas exception à la règle.
L'insolence du gamin fit se transformer son sourire en rictus cruel. Évidemment, sans forme physique, Alyssa n'avait pas pu lui faire rentrer correctement ses ordres dans la tête. La meilleure façon de rendre quelqu'un obéissant était la douleur et la peur. Voilà ce qui maintenait les enfants désobéissants enchainés à une volonté de fer.
D'un geste, elle lui attrapa la nuque et l'immobilisa d'une poigne puissante. Dans la seconde qui suivit, une dague effilée comme un rasoir était pointée sur sa gorge, distendant suffisamment la peau du jeune garçon pour lui faire mal.
Son œil droit cette fois s'ouvrit sans aucune difficulté et malgré la voix qui lui répétait sans cesse en hurlant « TUE! », elle lui murmura délicatement à l'oreille :

-T'as déjà tué, mon poussin ? T'es déjà retrouvé couvert de sang ? C'est agréable, mais faut en avoir, pour ça.

Elle huma l'air ambiant, l'odeur de son cou, et pour en rajouter au malaise qu'elle pouvait sentir grimper dans le jeune garçon, passa lentement sa langue sur le coin de son oreille.

-Tente de t'enfuir, et tu découvriras qu'on peut faire souffrir quelqu'un des heures sans le tuer. Tente de t'enfuir et je te retrouverais, ou qu'tu te caches. J'ai beaucoup tué, moi...

Laissant échapper un petit rire fin, elle se dégagea du garçon, et rangea sa dague dans sa manche d'un seul geste. D'habitude, elle l'essuyait avant, histoire que le sang ne souille pas trop ses vêtements. Le gamin avait donc eu de la chance.

-Bien...

La jeune femme se laissa mollement tomber sur le canapé. Sentent que l'orage était passé, le petit chat noir vint se blottir contre elle avec affectivité en miaulant. Da commença à le caresser dans le sens du poil, tout en réfléchissant. Bloqué par la peur, le petiot n'oserait probablement pas tenter la moindre action suicidaire, mais sait-on jamais.

-Viens t'asseoir, lui lança-elle sans méchanceté, sans même un ton de menace. A coté de moi. A partir de maintenant t'habites ici...

Pendant quelques instants, Da se tortilla pour se mettre en position allongée sur son canapé, et s'affala mollement dessus, en reniflant bruyamment. C'est alors qu'elle remarqua que la voix d'Alyssa ne se faisait plus entendre. L'esprit avait de toutes façons un comportement bizarre, il n'y avait pas à s'en soucier. Et puis, bloquée sous une forme immatérielle, la jeune femme ne pouvait pas faire le moindre mal. Si ?
Cachée aux yeux de Swann, Da agita son bras par-dessus le dossier du canapé et décrivit une série de gestes sans queue ni tête avec ses doigts (comme le langage des signes, mais sans signification aucune...)

-Ça sert à rien d'chercher une explication à c'que tu peux pas changer, mon canard. Contente-toi d'positiver et d'faire de ton mieux pour survivre.

Son chat Patapoil se dandina quelques instants sur son épaule, avant de venir lui lécher la joue de sa langue râpeuse. Le chatouillis lui fit emmètre un petit rire de jeune fille, difficilement contrôlé. Par moments (rares), la jeune femme était pareille à un enfant, plus immature encore que Swann, désarmante d'innocence. Loin d'être mauvaise, elle cherchait seulement à s'amuser, par le biais de sensations fortes. Les seules qu'elle avait trouvées restaient celles qui se faisaient au dépens des autres...
Son œil lui faisait de nouveau mal, et de nouveau, la voix résonnait dans son cerveau dérangé, aussi puissante que des coups de canons. Secouant la tête comme pour chasser ses soucis, elle déposa un baiser sur la bouche poilue de son animal, puis pencha sa tête vers l'arrière pour pouvoir apercevoir le garçon, qui n'avait pas bougé de sa place.

-Mais si tu veux vraiment savoir...C'est parce que j'ai rien d'autre à faire, et pis c'est marrant. Tu vas voir, j'vais m'occuper de toi. Elle saisit son chat à deux mains, et les leva au-dessus du canapé, bien en hauteur pour que le petit puisse voir la boule de poils noire. Au fait, j'te présente Patapoil, mon chat. Sois gentil avec lui, lui dit-elle, véritablement enchantée.

A n'y rien comprendre...

[Pardon pour le retard :Fiouh...:]

Allongée dans son canapé, son chat toujours serré contre elle, Da émit un petit ricanement amusé. Décidément, même si elle ne savait pas combien de temps garder le petit en otage allait l'amuser avant qu'elle ne s'en lasse et le tue (pour n'importe quelle raison), un vague sentiment lui faisait sentir qu'elle n'avait pas fini de rigoler.
Essuyant une petite larme de rire qui perlait au coin de son œil, la jeune femme reprit son souffle un instant.

-Nan, le couteau c'est juste si t'es pas sage. La prochaine fois que t'essayes de fuir, j'te coupe quelque chose avec. N'importe. Doigt, oreille, téton, c'qui me passe par la tête. Donc j'te conseille de bien préparer tes coups, ou d'pas les préparer du tout.

Elle siffla quelques notes d'un air amusé.

-Tu pourrais vite te r'trouver eunuque, si tu t'y prends mal... Mais regarde le bon coté des choses, ici tu seras logé, nourri, éduqué, franchement t'as pas à t'plaindre hein. Huuum, et puis une fois que le ménage sera fait, tu verras tu t'sentiras comme chez toi.

Sa voix se fit d'un coup plus douce, à la limite de la tristesse. La jeune femme poussa un long soupir de lassitude, avant de se redresser. Lentement, sa tête dépassa sur le coté du canapé, pour que Swann puisse la voir. Da affichait un air accablé, ses sourcils étaient baissés, elle semblait véritablement sur le point de fondre en larmes...

-Et puis... t'es un orphelin ou un truc du genre, nan ? Moi non plus, j'ai plus de parents, et je suis toute seule... Toute seule... répéta-elle, comme si tout le poids du monde pesait sur ses épaules.

Bizarrement, elle oublia de préciser qu'ils avaient été liquidés par leur propre fille. En son for intérieur, elle jubilait lorsqu'il s'écroulèrent dans leur assiette, mort soudainement d'un brutal empoisonnement. Elle jubilait. Comme elle jubilait actuellement de manipuler par les sentiments un petit enfant sans défenses. Et Da n'avait pas fini de rire...

(je t'ai définitivement battu question retard. Désolé]

Swann s'était finalement résigné face à l'idée de rester dans cette maison qui ne lui inspirait décidément aucune once de confiance, sans parler de la propriétaire des lieux qui auraient été tout à fait à sa place dans un film d'horreur. Malgré ce manque de confiance évident le gamin restait à présent tout à fait calme, s'il devait rester ici il allait devoir prendre sur lui et oublier ses craintes.

Il fallait avouer tout de même que Da avait un sacré humour, à moins qu'elle n'ait suivi des cours de psycho à deux balles... En bref elle avait tout faux dans ce qu'elle affirmait et Swann n'allait pas se gêner pour lui dire, en anglais par contre... Il avait beau être suicidaire ce n'était pas pour autant qu'il allait prendre le risque d'être clair dans ses propos.

-Me sentir chez moi? Ca m'étonnerait... Je n'habitais pas une secte et aucune des personnes de ma famille n'était cinglée...

Da avait eut un comportement changeant à la fin de sa première phase. Voilà qu'elle se plaignait d'être seule... Bizarrement ça n'étonnait pas Swann, vu son comportement il était évident que les gens devait la fuir comme la peste... Et s'ils n'en avaient pas le temps ils devaient se faire couper deux ou trois membres jusqu'à ce que mort s'en suive...

-Toi qui tué tes parents?

Simple déduction... Swann imaginait bien une Da adolescente, contrariée pour un sujet bidon par ses parents et se révoltant en les blessant de la façon dont elle avait menacé Swann...

-Normal tu sois seule si tu tue les autres ou blesse...

Quelque chose lui disait qu'il aurait du se taire et acquiescer dès le début... Mais il avait toujours eut du mal à choisir la bonne façon d'agir...

(Aucun problème)

D'un bond, la jeune femme se leva de son canapé, faisant fuir son chat dans le mouvement et tourna sa tête défigurée par un rictus carnassier vers le petit bonhomme. Bon, ok, le théâtre n'avait jamais été son point fort...
Ou alors le môme était plus perspicace qu'elle ne l'avait envisagé. Et plus intrépide aussi. Bien qu'elle n'ait rien compris à sa phrase, elle jugeait au ton employé que ses paroles n'avaient certainement rien d'aimable. Peut-être aussi parce qu'elle ne l'avait jamais été non plus.
Avançant vers sa proie à la manière d'un félin, ondulant de façon sensuelle, Da passa une nouvelle fois sa langue sur les lèvres.

-Mais c'est qu'il sait réfléchir, mon canard. On t'a bien appris tes leçons, tout juste, j'les ai butés, de façon simple et sans bavure, grâce...

Elle s'apprêtait à sortir de sa poche un petit sac de toile, contenant un échantillon de poison qu'elle utilisait parfois, indétectable à l'odeur, quand elle se ravisa. Mauvaise idée de montrer ça à un gosse qui pourrait le retourner contre elle.

-J't'expliquerai, fit-elle simplement, sourire aux lèvres.

Se rapprochant encore un peu, elle se retrouva presque collée contre lui, et dans un mouvement sec, elle lui coinça le cou dans son bras, et frotta son poing contre sa tignasse blonde. (Oui, le truc que font les gosses u_u)

-Par contre, ici, je t'interdis de parler anglais! Tu comprends, je comprends pas, et ça m'énerve! Et quand je m'énerve, je deviens méchante et je dois passer mes nerfs sur plus faible et moche que moi, tête de nœuds. Pigé ?!

Immobilisant totalement le gamin, elle se permit de profiter de sa position de femelle dominante pour siffler quelques notes, triomphante.

-Allooooons, mon p'tit père, libère-toi du rude étau d'mes biceps!

[Me rev'là XD]

Swann avait définitivement retrouvé son calme, du moins autant de calme qu'il soit possible de ressentir pour un gamin qui se faisait enlever par une psychopathe qui menaçait régulièrement de le blesser ou le tuer... Tiens même le chat qui avait fini par se faire virer bien involontairement par sa maitresse ne lui faisait plus aussi peur... Mais ce n'était pas une raison pour qu'il accepte que Da s'approche tant de lui... Aussi au fur et à mesure qu'elle s'avançait vers lui le gamin reculait... Mais étant déjà tout prêt du mur il ne put guère aller loin, il ne put donc échapper très longtemps à Da et à sa poigne...

Swann tenté de se dégager sans prêter attention ou presque aux paroles prononcées par Da... Ainsi elle ne voulait pas qu'il parle anglais... De toutes façons il n'avait pas tellement l'intention de parler et encore moins de rester... Tôt ou tard il quitterait cet endroit même s'il n'avait pas vraiment d'endroit où aller... N'importe quel endroit de Heaven... Même la décharge publique s'il y en avait une serait plus accueillant que ici...

-Si tu tape parce que comprends pas tu montre juste que tu es stupide...

Elle voulais qu'il parle français? C'était parfait. Swann savait qu'il allait payer cher ses paroles mais il s'en moquait... Afin de se dégager il envoya son pied dans le tibia de son bourreau, sachant qu'il n'aurait pas la force de se libérer autrement...

[Ravi de te savoir en vie xD]

A l'instant même ou la notion de douleur traversa le cerveau de Da, ses deux neurones restants, faibles et fatigués, censés maintenir un semblant de cohésion et de raison dans son esprit déjà bien amoché furent court-ciruités sur le coup.
Un rictus de pure cruauté naissant sur sa face, la jeune femme attrapa l'enfant par les cheveux et lui plaqua l'arrière du crâne contre le mur avec une brutalité peu commune, même pour elle. Sa bouche laissant échapper un filet de bave, Da rapprocha sa tête de celle de Swann, fermement maintenue par une poigne de fer. Ses yeux tressautant par intermittence se perdaient chacun leur tour dans le vague avant de revenir sur le gamin au regard si laid.

-Mais c'est qu'elle en a dans le froc, ma louloute, on dirait. 'Coute moi bien, vermine, si je frappe toi ça peut aussi dire vouloir que j'suis méchante ! Et crois-moi j'le suis, et là j'vais te faire souffrir si fort que le diable lui même en s'ra tellement dégouté qu'il déchirera le bout de papier sur lequel j'lui ai vendu mon âme!

A mesure qu'elle parlait (le tout encombré d'autres paroles incompréhensibles), des visions enfiévrées venaient torturer son esprit. Des images d'une mer de sang, plongée dans les ténèbres où ne ressortaient, poussant comme des fleurs malades, des îlots de crânes dégoulinants, sous une pluie de cendres.
Son œil droit lui faisait souffrir le martyr, et responsable ou pas de cette douleur, le gosse allait payer pour ça. Une voix à peine humaine chantait à tue-tête, hurlait un refrain qu'elle ne parvenait pas à comprendre, mais dont le sens était clair : TUE.

-TUE!

Elle hurla en écho à la voix, son regard vide n'ayant plus rien d'humain, ses gestes étant ceux d'une marionnette sans âme. Oui, il fallait qu'elle tue. C'était inscrit dans son esprit bien avant qu'elle vienne au monde.
Et avec une précision méticuleuse, elle sortit son canif de sa poche. Par où commencer ? Oui, ce regard vairon ignoble dont la seule vue lui donnait envie de vomir. L'œil droit d'abord. Le gauche ensuite. Puis elle improviserait un peu, ça ne fait pas de mal.
Un sourire d'enfant, un sourire de glace figé sur le visage, elle s'apprêta à commencer le dur labeur...

(des fois j'prérerais ne pas l'être au moins j'pourrais dormir XD)

Il n'avait même pas eut le temps de voir le coup venir, pas plus qu'il n'avait pu esquiver. Cette fois-ci elle le tenait et allait surement lui faire passer l'envie de se défendre, qu'est-ce qu'elle allait lui couper pour se venger? Les jambes? Les mains ou bien...

-LÂCHE MOI!!!!!

Au moins il criait en français... Quoi c'était pas ce qui était demandé? Zut alors mais bon n'importe qui aurait crié en se retrouvant dans cette situation et c'était loin de s'arranger. Swann n'avait pas besoin d'être français pour comprendre ce que venais de dire Da... Si ça continuait il serait bientôt aussi matériel que Alyssa elle même... Et il avait beau être dépressif il tenait à sa petite vie... Même si pour être honnête elle était à chier...

-Lâche moi...

Sa voix faiblissait... Pour peu et il allait se mettre à chialer... Oui je sais pathétique... Mais que voulez vous il est là pour ça... La douleur qui venait de la racine de ses cheveux solidement tirés vers l'arrière semblait irradier dans son crane tout entier. Une migraine s'emparait de son cerveau et l'empêchait de réfléchir correctement, sa vue se brouillait, c'est alors que quelque chose d'étrange se produit...

-J'ai dit de me lâcher!!!!!!!

Alors que ce dernier cri franchissait ses lèvres une impression étrange se fit sentir... Il aurait été incapable de décrire réellement ce qu'il s'était passé... Il avait l'impression qu'un impact venait d'avoir lieu, mais comment? Avec quoi? Et pourquoi il ne saurait le dire... En même temps il avait eut l'impression de repousser son bourreau, mais sa vue et ses sens étaient trop brouillés pour qu'il ne voie si c'était vraiment le cas... Il ne savait même pas si la douleur avait disparu ou si c'était Da qui l'avait lâché... Ses genoux menaçaient de lâcher... S'il perdait connaissance maintenant il était foutu...

(miah j'aime ce que j'ai écrit pour une fois)

Ce qu'il y avait de pratique à être fou, c'était de Da avait toujours été trop dérangée pour connaitre le moindre instant de peur. Ici, pourtant, si elle avait pu connaitre ce sentiment, elle ne se serait pas retrouvée dans cette position.
...
En même temps que son couteau allait énucléer un des yeux du petit humain bête et méchant qu'elle avait devant elle, Da se préparait à l'effusion de sang qui allait indubitablement en résulter. L'élan de folie qui s'était emparé d'elle battant son plein, la jeune femme ne vit absolument rien venir. Y avait-il quelque chose qu'elle aurait pu voir, de toute façon ?
Toujours est-il que le gamin la poussa avec une force inimaginable pour un si petit être, si fort qu'elle lui arracha une bonne mèche de cheveux avant de heurter le mur avec violence.
Son crâne percuta le mur, mais Da resta debout, chancelante. Sa vision était troublée, mais elle distinguait l'essentiel. Le garçon. Elle serra fermement son couteau. Merde, il n'était plus là. Il avait du tomber lors du choc.
Sa vue se brouilla un peu plus, mais elle tint bon, comme si quelque chose en elle l'obligeait à rester consciente.
Un profond râle lui échappa. Lorsqu'elle baissa la tête pour récupérer son arme, le plancher sembla se rapprocher à une vitesse folle pour venir heurter sa tête. Grommelant quelque chose de plus ou moins incompréhensible, elle laissa voir le blanc de ses yeux au garçon qui la surplombait. Oh, il semblait si grand, vu de par terre... Si... grand...
Elle fixa son œil rouge. Rouge sang. Elle y voyait une mer sanglante, gagnant lentement du terrain sur la terre ferme. Des petits îlots d'ossements émergeaient, et elle se trouvait sur l'un d'eux, à coté d'un homme qu'elle n'avait jamais vu. Un véritable colosse qui aurait facilement pu la mettre en pièce.
L'espace d'un instant, il lui sourit, assez longtemps pour qu'elle puisse remarquer les dents manquantes et les autres, cariées, de ce rictus de haine et de cruauté qu'elle trouva étrangement familier. C'était celui qu'elle affichait d'habitude. Bordel.

Puis sa vision devint noire et elle plongea dans le gouffre de l'inconscience.