Où suis-je ? Qui suis-je ? [10/02]

Après avoir avoir passé plus de trois jours seule dans son appartement, devant sa télévision à regarder des films de guerre en tous genres, Da s'était découvert une nouvelle passion du moment pour ensuite décider de s'acheter un stock de jeux video de guerre.
C'est donc une pile de jeu sous le bras, poursuivie par un vendeur en colère et hurlant au voleur que la jeune femme était rentrée chez elle pour passer quelques jours seule avec sa nouvelle passion.
Et aujourd'hui, elle testait pour la toute première foi l'uniforme de commando récemment acquis. Entièrement de noir vêtue, Da portait une simple casquette militaire révélant quelques mèches de cheveux coupées de façon totalement anarchique au-dessus de ses yeux de cristal.
Le fusil mitrailleur sur le coté n'étant qu'une réplique inoffensive, elle s'était pour le moment contentée de ses poignards.
Complètement dans son délire et incapable d'en sortir, la jeune femme, après avoir vu quelques personnes louches autour d'un bâtiment désaffecté, avait décidé de s'y infiltrer avec toute la bonne humeur du monde et sans la moindre seconde d'appréhension.

Rampant dans les conduits d'aération, de la sueur dégoulinant de ses tempes, Da fit sauter du coude une grille métallique de ventilation. Engouffrant sa tête dedans, elle vérifia qu'il n'y avait personne dans les couloirs avant de retomber au sol sans le moindre bruit.
Comme une ombre, elle se déplaça en rasant les murs blancs, se demandant tout de même où elle avait bien pu tomber. L'endroit ressemblait à un laboratoire.

-Une mission pour Da Tully, fit-elle d'un air sévère alors que le bruit d'une porte qu'on ouvre se faisait entendre derrière elle.

Ni une, ni deux, elle saisit ses poignards acérés. Le premier traversa la gorge, le deuxième s'enfonça en plein dans le plexus. L'homme en blouse blanche, maintenant en grande partie rouge s'effondra dans une mare de sang.
Ses chances de sortir indemne étant minces si elle s'attardait plus longtemps, Da saisit son briquet et l'alluma juste en-dessous de l'alarme incendie.
Une sirène au son suraigu ne tarda pas à retentir dans toute l'infrastructure alors que le dispositif anti-incendie se déclarait, aspergeant la jeune femme et les hommes qui sortaient affolés de leurs salles de recherches.
Da eut un petit rire mauvais en partant à toute allure dans le sens inverse des autres, nullement remarquée dans la panique générale.
Courant au travers des couloirs, une pile de documents volés dans son uniforme, elle remarqua une porte qui n'avait, contrairement aux autres, pas été ouverte. La jeune femme haussa un sourcil malicieux avant d'enfoncer le passage d'un coup de pied retourné.
La lourde porte s'écrasa au sol dans un bruit sourd, insuffisant pour couvrir la sirène qui hurlait toujours, révélant un...truc. Il avait beau être en camisole, couvert de piercings et affublé d'une coupe de cheveux étrange, Da le reconnut aussitôt (enfin, dans son imaginaire).
Prenant une pose de soldat vétéran, elle releva sa casquette pour mieux fixer le jeune homme et le salua d'un rapide signe de la main.

-J'suis v'nue vous tirer d'ce trou à rats, sergent. On rent' à la maison.

L'œil gauche de Da s'agita sous l'effet de la nervosité. Ce type se comportait comme un enfant effrayé, alors qu'il n'y avait aucune raison de l'être. Quelle loque, tout juste bon à se mettre en boule dans un coin comme un animal apeuré. La jeune femme eut une pointe d'agacement. Si elle était la seule à y mettre du sien, le jeu n'avait aucun intérêt.
Elle s'apprêtait à le tirer de force par les cheveux, quand le claquement d'une paire de chaussures se fit entendre. Avant même qu'elle ne puisse faire un geste défensif, le scientifique fondait déjà comme neige au soleil, dans une avalanche de couleurs rosées.
Da regarda les papillons lumineux s'envoler puis disparaître, émerveillée comme une enfant, avant de tourner de grands yeux éberlués vers l'adolescent tremblant de peur.
Était-ce lui qui avait fait ça ? Difficilement probable. Mais qui d'autre, alors ?
Il l'avait sauvée ? Non plus. L'amour-propre de la jeune femme étant sur-développé, elle ne serait bien évidemment jamais morte de façon aussi ridicule.
En cet instant, si l'esprit de Da n'avait pas été torturé, détruit, puis remodelé avec celui d'un psychopathe, elle aurait pu connaître la Peur.
Toujours est-il qu'au lieu de s'enfuir, comme aurait fait tout être humain normalement constitué, elle s'avança sans la moindre crainte vers cette chose au fond de la pièce. Un mince filet de sang s'échappait de la bouche de l'adolescent, lui donnant vraiment l'air d'une expérience de laboratoire. Da fronça les sourcils.
Dans sa tête, les plans malsains tourbillonnaient et s'enchainaient le plus naturellement du monde. Devait-elle profiter de la peur, de la confusion générale pour faire subir une autopsie forcée à ce jeune homme ?
Ou continuer son jeu ?

Lentement, tout en plongeant ses yeux azur dans ceux de l'adolescent, noirs comme le fond de la nuit, elle passa sa langue sur ses lèvres.
Les lumières au plafond vacillèrent un instant, avant de définitivement s'éteindre, plongeant la pièce et les deux jeunes gens dans le noir total.
Visiblement, le courant avait été coupé dans tout le bâtiment, et Da se régala intérieurement de sa mauvaise blague. Autant continuer le jeu jusqu'au bout.

-Lieutenant-colonel Da Tully, envoyée des forces spéciales. Allez, venez avec moi, j'vais vous libérer.

A tâtons, elle se dirigea vers la source des pleurs, jusqu'à sentir la camisole sur ses doigts. Sans aucune douceur, elle saisit le jeune homme par le col et l'obligea à se mettre debout, sans tenir compte de son état de faiblesse ou de ses protestations. Sans pourtant les voir, elle fixa de nouveau ses yeux, rapprochant son visage du sien dans un rictus mauvais.

-T'as pas envie de voir la lumière du jour, mon gars ? T'es un pauvre asticot pas encore sorti de sa croute de fromage. Alors ? Soit tu restes là à attendre la mort, soit t'fais la malle, tu décides quoi ?

La voix de Da était moqueuse à l'extrême. Souvent, il lui arrivait de se remémorer la façon dont elle vivait avant, cette vie qu'elle méprisait maintenant. Elle n'avait aucune conscience du changement brutal opéré dans son esprit et se disait simplement qu'elle s'était « réveillée », « libérée ».
Et ce petit bonhomme lui rappelait la vie pitoyable qu'elle avait autrefois menée. Quelque chose en elle avait envie de le broyer, à moins qu'il s'agisse simplement de le « libérer » aussi. Quitte à lui forcer un peu la main...

[Vraiment pardon pour le retard T_T]

Les pupilles de Da s'étrécirent suite à l'intense lumière dégagée par la chose acide. Si une partie d'elle-même regardait l'être ressemblant comme deux gouttes d'eaux au jeune homme avec un émerveillement dans les yeux, une autre partie, et celle-là plus importante, le considérait comme une menace à abattre en vitesse.
Un peu tard, elle considéra l'absence de bruit. L'alarme incendie s'était arrêtée, ainsi que le dispositif d'arrosage d'urgence.
Avec une lueur mauvaise dans le regard, la jeune femme considéra un instant les tissus fondus de sa veste. Bon Dieu, c'est qu'elle avait couté une fortune, quand même. QUELQU'UN lui paierait ça.
Une partie de son bras avait viré au rouge écarlate, saignant à certains endroits.
Dans un grognement, elle arracha avec ses dents un lambeau de peau qui avait commencé à fondre sous l'effet de la poignée corrosive, avant de le recracher.
D'un coup sec, elle déchira le bout de manche restant et le balança à travers la pièce, avant de remarquer que la forme en paillettes était toujours là. Tour à tour, elle regarda son bras et ceux de la forme soutenant le jeune homme.
C'était injuste. Elle aurait bien voulu le toucher, elle aussi. Sans fondre, bien entendu.

-Je passe devant, tu m'suis sans rester dans mes pattes.

Elle chassa d'un revers de sa manche restante une mèche de cheveux trempés de son front.
Trainant les pieds, mais couteaux en mains, elle s'engagea à la suite du jeune homme et de son protecteur improvisé, et leur passa devant, s'engouffrant dans les couloir, avec un simple signe de la main leur indiquant la direction de la sortie.
La lueur que dégageait la chose de paillettes les rendaient faciles à repérer, rendant toute tentative de fuite peu évidente à mettre en œuvre. Da s'en pourlécha les lèvres d'excitation.

-Par là ! Vite-vite ! Leur siffla-t-elle en accélérant la cadence.

Dans les couloirs humides résonnaient le claquement de leurs pas dans l'eau, rien qu'un maigre clapotis indiquant néanmoins la présence d'intrus. Néanmoins, la réciproque fonctionnait aussi.
A en juger par le bruit, deux personnes.

-T'imagines ça, toi ? Si mes travaux sont bousillés par l'eau, j'ai trois mois de boulot à refaire.

Dès les premiers mots prononcés, amplifiés par les parois du couloir, la folie s'empara des yeux de Da, et tel un félin, la jeune femme bondit en avant, lames au clair.
D'un revers de la main, avec une précision chirurgicale, le premier se retrouva avec la moitié de la tête sectionnée, le sang giclant en fontaine de l'énorme blessure.
Le deuxième eut le réflexe de se reculer d'un pas en arrière sous l'effet de la surprise, ce qui eut pour effet de rallonger sa vie de quelques instants. Cette fois telle un singe, Da prit appui sur la paroi du mur pour se propulser vers l'avant, et lui enfonça par trois fois, avec une cruauté sauvage son couteau en pleine nuque, avant de le laisser enfin tomber la tête dans l'eau. La tête renversée vers l'arrière, sa gorge tranchée expulsant par intermittence de petits jets de sang, le premier gisait raide mort, comme un piquet.
Le petit pétochard et son garde du corps à la poigne acide retrouvèrent Da dans un état second, hochant la tête devant le cadavre debout, comme un artiste absorbé par une réalisation nouvelle.
C'était marrant, les autres n'avaient jamais fait ça.
Elle émit une série de gloussements amusés, avant de réaliser que tout le personnel évacué lors de la pseudo-alerte incendie allait rappliquer sous peu.
Deux solutions s'offrirent à l'esprit de la jeune femme. 1 : Foncer dans le tas. 2 : Foncer dans le tas avec retenue.
Hésitant fortement entre la n°1, elle choisit de foncer quand même et d'improviser plus tard.
L'absence totale de plan, ainsi que la possibilité de tout ravager sur son chemin fit naitre sur ses lèvres un sourire des plus joyeux, remontant jusqu'aux oreilles, et tandis qu'ils cavalaient dans les couloirs inondés, on pouvait entendre une légère mélodie, un sifflement heureux s'échappant de la bouche de la jeune femme folle.