Un réveil difficile. [Joshua & Denzel Wolf.] [16/02/2010]

Tut. ... Tut. ... Tut. ... Ouah, dur le réveil. Tut. ... Tut... Mais qu'est-ce qui m'arrive? me demandais-je. Tut. Ah, et ce bruit... Cette saloperie de bruit qui me vrillait les oreilles. J'ouvrais les yeux. La lumière me les fit vite refermer. De la demi seconde floue que j'avais vue, je pouvais restituer des murs... Des murs blancs, qui tournaient tout seuls (ou alors j'avais reçu (encore!) un sacré coup sur le crâne). Le blanc des murs, plus la lumière excessive (qui devait venir d'une fenêtre à côté, à tous les coups), ça me vrillait le crâne... Et j'avais déjà assez mal pour ne pas m'infliger ça toute seule en plus...

Le bruit revenait régulièrement me vriller les tympans. super, j'étais devenue hypersensible... J'essayais de faire bouger mes bras. Ils étaient lourds, très lourds, j'avais l'impression qu'ils ne faisaient plus partie de mon corps... C'était bête comme pensée, parce qu'aux dernières nouvelles, ils étaient encore collés à mon corps. Je les fis bouger un peu, remuer serait d'ailleurs un verbe plus correct. Puis, abandonnant momentanément le combat, je repris mon minutieux examen corporel. Je voulus faire bouger mes jambes... Elles, ne répondaient plus. Tout ce que je recevais c'était un horrible message de douleur que m'envoyaient mes nerfs. Ca allait me gonfler très vite tout ça...

Je refis une tentative pour ouvrir les yeux. J'y arrivais, mais ils pleuraient... La lumière... Toujours cette saloperie de lumière. Je ne m'étais pas trompée, c'était une fenêtre juste à côté de mon lit qui illuminait une bonne partie de mon bout de pièce... La sensation d'apaisement que me procurait parallèlement le lit et sa chaleur s'évapora peu à peu... Une pièce, blanche, lumineuse? De la douleur? Ah non, hors de question de je retourne à l'hôpital moi ! J'y avais déjà un passif... Je ne tenais pas à aggraver les choses. Je levais un peu la tête pour regarder autour de moi. Une violente douleur me traversa toute la colonne vertébrale pour aller renforcer mon petit mal de crâne. En effet, l'auteur du petit "Tut. ... Tut." à côté de moi était un moniteur... Il répondait joyeusement à son copain d'en face, ce qui faisait que le bruit ne s'arrêtait que rarement. Le lit en face du mien soutenait quelqu'un. La personne aussi, grimaçait à cause de la lumière. Je compatissais.

"Mais fermez les rideaux de cette saloperie de fenêtre." lançais-je comme une vague qui pénétra la tête de toutes les personnes de la pièce...

Au moins, je maîtrisais de mieux en mieux mon "pouvoir"... Ca me rassurait. Par contre, la mémoire, toujours pas. J'étais incapable de savoir ce qui m'avait amené à l'hôpital... Une infirmière et un docteur vinrent me voir. La femme s'occupa de baisser les stores en plastique blanc de la fenêtre.... Oh merci madame, merci. Je pouvais discerner la plupart des détails de la pièce. Du début insolent de la barbe du docteur, jusqu'au couloir dans son dos... Me tirer d'ici, juste me tirer d'ici. Sans demander mon reste... Mais quand même, savoir ce que j'avais.

- Et bien, ça faisait un moment que nous ne vous avions pas vue, lança le médecin comme une blague.

Voyant que je ne riais pas, il continua de m'expliquer ce qui se passait.

- Alors comme ça on se fait agresser par des vampires? demanda-t-il. Vous avez perdu pas mal de sang, je dois avouer que c'est un miracle que vous vous en soyez sortie vivante... On pense que vous auriez été changée... Et le cerveau, à l'IRL il est toujours en si mauvais état... Je crains bien que ça ne l'ait pas aidé, votre mésaventure... Irrémédiable.

Il avait l'air content de lui, ça me donnait envie de le cogner. Au moins, mon cerveau censurerait vite cette vision atroce du médecin (qui prétendait me connaître alors que je ne le connaissais pas) qui m'annonçait un sourire aux lèvres que j'allais mal et que ça ne s'arrangerait pas. Surtout qu'il n'avait même pas la tête du fou cynique... Non non c'était juste un médecin mort de rire devant une patiente amnésique.

"Je veux sortir." lui dis-je à mon tour.

- Et bien, si vous vous sentez bien, vous pouvez essayer... répondit-il.

Et bien entendu, que je me sente mieux ou pas, je décidais de prendre mes cliques, mes claques et de m'en aller. L'infirmière me détacha de mes millions de fils qui servaient tous à des mesures diverses et variées... Ils me rendirent mes vêtements (trempés de sang : le mien) et je m'empressais de me débarrasser de ma blouse... C'était dur de marcher, mais apparemment, mon seuil de résistance à la douleur avait sensiblement augmenté pendant la nuit. Ce que j'ignorais c'était que j'avais passé près de deux jours à dormir dans mon lit d'hôpital... Je n'allais pas tarder à m'en apercevoir.

Je sortais à peine de mon service hospitalier que j'arrivais dans le hall grouillant de personnes... C'était fou, une fourmilière, vraiment. Je m'arrêtais de marcher pour regarder la foule. Ils faisaient du bruit, mais je n'entendais plus qu'un brouhaha incessant. La foule était floue, et ça me filait mal à la tête d'observer tous ces gens qui se mouvaient trop rapidement pour moi... J'allais me trouver un endroit où dormir et j'allais pouvoir me mettre à hiberner... J'aurais pu le faire à l'hôpital, me direz-vous, mais ce lieu ne me rassurait pas. J'y passais trop de temps à mon goût... Ce fut perdue dans ces pensées et fuyant la foule que je percutais de plein fouet quelqu'un. Moi je m'étalais lamentablement par terre (j'étais encore trop affaiblie pour me rattraper)...

Violent, hargneux... Et, patate ! On est dans un hôpital, crétin ! On ne court pas, on ne renverse pas les gens encore grièvement blessés qui ne veulent qu'une seule chose : sortir d'ici. Alors on ne se bouge le cul et on aide la petite dame à se relever... Non, même pas... C'est ça, plus occupé à vider le contenu du sac d'une dame... Il avait de la chance, les gens étaient tellement occupés à grouiller, blessés, que personne ne l'avait vu... Et seules quelques personnes avec une vue surdéveloppée auraient pu le voir. Mais j'avais été percutée. Je commençais à me relever et une dame bien gentille (une infirmière) m'aida à me relever. Mais le type revenait. Mal poli, de surcroît.

- Je m'excuse pour tout à l'heure mademoiselle.

Je restais pendant un long moment à le regarder, outrée, en colère... Résultat de la morsure probablement. Je l'avais oubliée, la morsure, mais la douleur qui émanait des deux petits trous dans ma gorge me rappelait continuellement leur présence. Je posais doucement une main sur ma plaie et me décidais à l'engueuler, le mal propre.

"Vous vous excusez? Vous vous excusez? Mais bordel, c'est un hôpital ici !"

Nan mais merde ! D'ailleurs, je recommençais à saigner. À cause de lui. Je me mis à gorgner intérieurement. Je fulminais, fulminais... Si j'avais été en forme je lui aurais bien fait éclater la cervelle... En bouillie... Ca n'aurait pas changé grand chose. Humph ! Mais qu'est-ce qui m'arrivait?... J'en étais apeurée de voir comment je m'énervais... C'était pas naturel tout ça... Jamais je n'avais été du genre à souhaiter la mort par commotion cérébrale d'un être humain... Ou humanoïde. En attendant, lui, j'avais très envie de le tuer, là tout de suite. En plus, on était d'avance dans un hôpital... Peut-être qu'ils arriveraient à le sauver pour que je puisse le retuer derrière... Et décidément, je ne me reconnaissais pas, du tout. Et quand même, je tenais à retrouver mon état normal : gentille et solitaire. Ne me demandez pas pourquoi j'avais l'impression qu'en m'excusant à mon tour, tout irait mieux, mais en tout cas j'essayais.

"Excusez-moi, je suis sur les nerfs."

Mais c'était tellement hypocrite de dire ça... Je n'étais absolument pas désolée, absolument pas. Mais dans le fond, c'était une bonne façon de sympathiser. J'avais une drôle d'envie de le tuer (quoi qu'elle s'estompait lentement, très lentement) mais je ne tenais pas à retourner à l'hôpital... Non, ça m'aurait furieusement agacé, ça... Et puis le détail de quand je l'avais vu manipuler des sacs dans un coin tout seul me revînt.

"Mais en plus vous volez ! Mais... Mais... Mais... Mais !"

J'insistais bien sur le dernière "mais" en peu comme si c'était un cri qui me venait du fond du cœur... Un peu comme du désespoir... C'était une drôle d'intonation mais qui montrait bien à quel point je ne savais pas comment réagir.

— C'est pas du tout vos affaires !

J'allais répondre que quand même, si un peu... Parce que le gentil petit monsieur ne se rendait pas vraiment compte qu'il venait de percuter de plein fouet une blessée relativement grave ! Vu ma mémoire, j'avais peut-être une commotion cérébrale... Et le type arrivait, me percutait et c'était moi qui devais m'excuser? Mais bien sûr, mon p'tit père, vient me voir par là trois minutes on va causer... Mais causer de quoi, au fait? Parce que j'étais en colère, mais une impression de malaise s'emparait déjà de moi. Ah ça, oui, j'étais en colère, mais pourquoi, pour quelle raison? Qu'avait-il fait, cet homme, pour que je sois si en pétard après lui? Je devais avoir de bonnes raisons d'être énervée, après tout... Quoi qu'avec l'accident (j'avais déjà oublié les deux trous sur ma gorge, même s'ils me faisaient mal), je devais être chamboulée...

J'allais donc lui répondre, que si, c'était un peu mes affaires, s'il essayait de me tuer, que je changeais petit à petit de version de l'histoire. Tout d'un coup, je me disais que j'allais me calmer et me débrouiller pour qu'il me rappelle ce que je faisais avec lui... Un ami? Un proche? Un chéri? Un monstre? Un passant? Un médecin (quoi qu'il n'avait pas de blouse blanche ni de stéthoscope) ? J'avais bien envie d'avoir quelques réponses... Donc je me radoucissais légèrement (pas trop vite non plus, j'avais encore pas mal de doutes sur mon emportement, mais peu à peu j'oubliais que j'étais en colère) quand il m'agrippa la bouche et me fit reculer d'un bon mètre. J'aurais pu le mordre... Surtout qu'avec mes nouvelles dents toutes pointues et toutes neuves, ça aurait pu lui faire bien plus mal qu'il n'y aurait cru...

Mais faut pas non plus oublier que je sortais d'un lit d'hôpital et que j'étais pas forcément la mieux placée pour me défendre contre quoi que ce soit... Aussi, je me laissais reculer, chancelante, tombant à moitié, donc en n'étant retenue que par cette main qui m'empêchait de crier (et qui étouffa mon cri de stupeur et de surprise). Un espèce de mur apparut derrière nous. Un homme passablement essoufflé et en colère passa, regardant à droite et à gauche... Le monsieur qui me tenait à sa merci (quoi que ça n'avait pas l'air de lui faire grand chose) était donc recherché... Je devais être au courant de pourquoi? Ah, non? Oui? Peut-être? Bon... Et bah je serais un des nombreux cas d'otages sous l'emprise du syndrome de Stockholm , s'il m'enlevait réellement.

En fait, j'avais la flemme de lutter, et même si ça m'avait tenté d'une façon quelle qu'elle soit, je n'avais absolument pas la force de l'empêcher de me nuire... Alors autant faire ça avec le sourire? non? Le pire c'était que je ne trouvais pas ça tordu de ma part de penser une telle chose. Mais cette main, cette main (pourtant amicale, du moins, pas trop brutale) qui m'empêchait de hurler, elle m'empêchait aussi de respirer... Ce fut pour ça que quand le type fut parti, que le mur eut disparu, que le type m'eut lâchée, je restais un moment, la respiration accélérée, à essayer de reprendre mon souffle et de me remettre par le même coup les idées en place...

"Mais qu'est-ce que..." commençais-je mentalement. "Je vous connais?"

J'avais posé cette question en tout premier, parce que j'avais légèrement besoin que quelque chose me rassure et que c'était probablement la chose qui m'aurait le plus rassuré, si j'y avais trouvé une signification quelconque. Je sentais qu'une longue conversation durant laquelle j'oublierais au fur et à mesure ce qu'on me disait allait s'imposer... Mes futures questions seraient simples, qui était-il, pourquoi fuyait-il, et surtout, qu'est-ce qu'ils faisaient ensemble...