Première sortie à l'air libre. [Swann Mc Fear.] [06/10/2009.

Tiens, un peu de lumière. Pourquoi? Je m'avançais vers cette source faible de luminosité. Ca faisait bizarre de s'approcher de vie. Depuis combien de temps n'avais - je pas touché quoi que ce soit? Longtemps. Trop longtemps. Je voulais juste retrouver mon corps. Juste que mon âme puisse prendre un peu l'air. Enfin... Mon âme. Un bien grand mot, puisque je n'en avais plus, mais que c'était la dernière chose qu'il me restait. Le Passage s'ouvrait! C'était ça la Lumière... Dehors, il faisait nuit, mais les Lunes éclairaient bien assez la zone. Mes yeux étaient devenus hyper sensibles à la lumière. Je pris une grande bouffée d'air. Je ne voulais pas sortir, j'avais peur du dehors.

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Si je sortais, rien ne me disait que je pourrais retourner dans les Ténèbres. Je deviendrais alors une de ces âmes errantes qui gémissent au dehors. Et puis en tant qu'ange, ça ne me disait pas. L'errance est pire que la mort. Quelque , j'étais curieuse, je voulais voir ce que ça faisait d'être un fantôme... Et puis une idée me traversa l'esprit et me fit reculer de nombreux petits pas dans l'ombre. Si ils avaient trouvé un nouveau Gardien? Ca voudrait dire que je me retrouverais forcément dans la gueule d'un des Vadrouilleurs des Ténèbres... Et là je passerais un sale quart d'heure.

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Lors d'une de mes nombreuses tournées d'inspection des Ténèbres, à la recherche d'âmes en fraude, comme moi maintenant, j'avais vu une de ces chose en dévorer une. C'était horrible. Les Vadrouilleurs étaient des choses démoniaque, que les anges, au fil du temps avaient réussi à "dompter". On va dire que Les Vadrouilleurs mangeaient les âmes, les enfermaient dans l'Enfer, et les Anges ne les massacraient pas. Les Vadrouilleurs étaient des espèces de Cerbères. Des chiens à trois têtes, énormes, qui ne faisaient pas la distinction entre les âmes. Tout ce qui leur passait sous la dent, ils l'engloutissaient. Démons, Anges, Humains, Vampires... Ils avaient des mâchoires tranchantes et mangeaient tout, vraiment tout. Tout sauf leur chef.

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Si il y avait un petit nouveau - ou une petite nouvelle, ne soyons pas machistes - j'étais perdue. Je n'avais plus rien, pas une porte de sortie. non, je me retrouverais piégée entre les dents de l'une de ces choses et je n'en bougerais plus. Ce fut probablement cette pensée qui me fit sortir de ma cachette, pour aller voir dehors. Je sortis, vérifiai que le Passage ne se refermait pas, et...

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Et il y avait du vent. C'était douloureux. Ca me passait au travers, me transperçait... Beurk... Je fis quelque pas vers une abri et je pus souffler. Quand je marchais, j'avais l'impression de voler. Oui, je traînais des pieds sur un chemin à quelques centimètres du sol. C'était vraiment étrange. Tellement étrange que ça m'arracha un petit sourire nerveux. J'allais devenir folle. Il fallait que je parle à quelqu'un. Que je trouve quelqu'un... Je fis donc attention au paysage qui m'entourait.

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Le cimetière. J'en avais de la chance... Quel meilleur endroit pour trouver quelqu'un de vivant, qu'un cimetière, en plein milieu de la nuit? Je ne savais pas, mais ma nervosité me fit rire. Bah. Il y avait pas mal de fous furieux dans cette ville. Peut - être que l'un d'entre eux déciderait de venir faire un tour au cimetière, pour saluer ses morts... Je regardais le nom sur la tombe sur laquelle je m'étais appuyée.

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Mon sang ne fit qu'un tour. Enfin, je n'avais plus de sang, mais si j'en avais eu, il n'aurait fait qu'un tour, et j'aurais enchaîné avec une crise cardiaque. Ce n'était pas possible, il y avait un problème, un horrible problème... Les âmes assistaient à leur enterrement... Moi non. Et puis, les âmes qui avaient assisté à leur enterrement - je le savais, j'en avais accompagné plusieurs au début de ma carrière - étaient directement emmenées dans la gueule des Vadrouilleurs, car elles avaient - pour la plupart - accepté leur mort.

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Cette tombe, c'était la mienne. Stéphenia Harris. Mais qui m'avait enterrée sans voir que j'étais encore en vie? Ou plutôt, qui avait osé m'enterrer vivante? La main gantée, probablement. La main gantée, oui, si ce n'était pas une hallucination. Je baissais la tête. Enterrée, jamais je ne pourrais récupérer mon corps. Pas seule. Et je n'avais pas envie de solliciter l'aide d'un parfait inconnu. Ca aurait sonné trop faux. "Bonjour, euh, oui, vous monsieur, est - ce que je pourrais vous demander un service? Oui parce que, vous voyez, je suis presque morte... Et mon corps a été enterré... Alors si vous pouviez déterrer mon corps, histoire que je puisse le reprendre... Ca m'arrangerait bien." Je ne pourrais demander ça qu'à une personne de confiance. Et il fallait que ladite personne de confiance ne soit pas Main Gantée. Là, je serais mal partie...

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En parlant de gens, il y avait quelque chose qui venait. Ca me ferait du bien que quelqu'un vienne me parler. Encore fallait - il qu'on me voie...

Oh, mais que vois-je... Est-ce un espoir au bout du tunnel? Serait-ce la fin de mon isolement, de ma triste solitude? Peut-être pas la fin de mes soucis, mais oh, ça y ressemble drôlement... Une jeune femme. Ce n'était rien de plus que la marche funeste d'une jeune femme apparemment dans le même état de désolation que moi. Je ne pus m'empêcher d'avoir de la peine pour elle. J'avais tellement de peine pour moi que je ne pouvais plus la concentrer sur moi-même. Il fallait que je trouve quelqu'un à plaindre.

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La jeune femme daigna m'adresser la parole. Au moins, elle parvenait à me voir. J'avais déjà croisé pas mal de gens qui m'avaient tout bonnement ignoré. Ils ne m'avaient certainement pas vu. Il n'avaient probablement même pas senti ma présence. Et puis, j'avais des frayeurs : j'avais peur des incarnés. Ils avaient l'air si entiers, si vrais... Je n'étais plus rien en comparaison d'eux. Mais j'aurais peut-être du insister, lutter contre ma peur... Ils auraient fui en courant... Je n'aimais franchement pas voir à quel point je devenais amère depuis ma mort.

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Je n'étais même pas sûre d'être réellement morte. Quelque chose en moi me disait que si on avait retiré mon âme de mon corps, on ne m'avait probablement pas tué en plus. Les protagonistes de cette drôle d'affaire n'avaient pas du prendre de précautions inutiles. Ils devaient penser que mon âme serait dévorée toute crue par les Vadrouilleurs avant que je n'ai le temps de me rendre compte de quoi que ce soit. Ou alors que si j'avais eu le temps de comprendre je me serais moi-même jetée dans leurs crocs. Je dois dire que je me connais mieux que personne et que jamais je n'aurais lutté contre la volonté d'un supérieur. Sauf s'il faisait des choses dans mon dos...

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Oh, je n'en veux pas au Vithil (terme grec pour désigner le chef des anges). Je n'en ai pas la force psychologiques. J'ai toujours eu de légers troubles qui m'empêchaient de lutter contre l'autorité quelle qu'elle soit. Pour moi, une autorité mise en place est une autorité légitime, puisque très peu remise en cause. Bien sûr, à regarder les humains et leur sombre histoire, je dirais que ma définition d'autorité se pose là. C'était peut-être l'exception qui daignait confirmer la règle.

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Quoi qu'il en était, cette femme esprit ("comme moi..." songeais-je, émue sur les bords) m'avais adressé la parole. Elle ne semblait pas sincère. Mais elle paraissait curieuse. Elle devait se demander ce qu'une ex-angelotte comme moi pouvait bien faire dans un cimetière, sur une tombe, à une heure pareille. Quoi que ce soit généralisé pour toutes les heures. Elle m'avait parlé sur un sale ton, mais elle me parlait. Elle aurait pu m'ignorer... Alors je lui répondis.

- Un peu.

C'était la première fois que je parlais depuis mon accident et j'étais surprise de voir que je n'avais pas perdu ma voix. C'était une bonne chose cela dit et je n'allais pas m'en plaindre. Je lui lançais un sourire fatigué et même extrêmement désolé. Désolé de quoi, me demanderez-vous? Désolé pour moi. Ce sourire n'était là que pour me rassurer moi-même, et accessoirement, si ça lui plaisait, pour détendre l'atmosphère.

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De mon vivant, j'étais plutôt quelqu'un de gentil, d'attentionné. Quelqu'un qu'on aime. J'avais quelques amis, je m'entendais bien avec pratiquement toutes les personnes autour de moi. Je ne crois pas avoir quelque chose à me reprocher. Le pire dans tout ça, c'est que j'étais serviable (peut-être un peu trop, car on me demandait souvent des services), j'étais polie, j'étais quelqu'un de bien : et ce n'était pas une simple hypocrisie. J'étais quelqu'un de bien gratuitement et je crois n'avoir jamais été forcée (par la seule volonté de ma conscience) à faire quelque chose.

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Mais malgré tout ça, je crois que je ne réussis pas à faire grand chose ce jour-là. L'atmosphère était tendue car la femme qui me faisait face attendait peut-être autre chose de moi, et que moi, je me méfiais. C'était un comportement idiot de ma part, mais j'étais parfaitement en paix avec moi-même et toutes les fibres de mon corps me criaient que c'était normal de se méfier d'une femme avec une telle approche. Elle aurait du être étonnée et partir en courant ou alors être chaleureuse. donc : quelque chose n'allait pas en elle.

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Ca me faisait mal de la juger. Mais depuis l'Accident, je ne pouvais plus me permettre de faire confiance à tout va. Tant pis pour les autres, moi ça m'allait très bien. Mais je me lançais, pour voir si elle était si monstrueuse que ça.

- Un autre esprit... Hein?

Elle terminait mes phrases. En fait, je me rendais compte qu'elle avait vraiment la tête de quelqu'un de malsain, de mauvais, de prêt à tout pour arriver à ses fins, quitte à détruire d'autres personnes. J'étais même persuadée qu'elle était ravie lorsqu'elle détruisait d'autres personnes au passage. Elle avait l'air mauvaise, mais elle avait une once de bonté à mon égard et ça, ça comptait vraiment. J'essayais de la regarder en baissant ma garde un peu. Parce que moi, quand je me méfiais, ça se voyait : je reculais, je fronçais les sourcils, je parlais plus bas, moins fort. J'étais incapable de me retenir.

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Puis elle me dit son nom. Ainsi, elle m'assurait d'être une sadique de premier ordre. "Alyssa, bourreau à la solde du très vénéré...". Je n'avais pas eu besoin de l'écouter plus pour avoir confirmation : une personne très malsaine. La question était : mais pourquoi? Pourquoi choisir cette voie? Bon, il y avait peu de chance qu'elle soit angélique, ou alors elle était déchue pour une bonne raison, mais les membres des autres races n'étaient pas forcément des sadiques incontrôlables. Je savais qu'il existait des démons très sympathiques - voire même collants - des vampires plutôt terre à terre, des esprit gentils, moi !

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Mais la dame s'était présentée, alors je devais faire la même chose, parce que moi j'étais polie. Je me tournais vers ma tombe (je ne faisais que supposer que c'était la mienne car j'avais des doutes sur mon nom) et la pointait du bout du doigt. comme ça, Alyssa pourrait peut-être voir (et je n'en doutais pas, de ça) que mon nom était écrit. Mon regard se posa une seconde sur les lettres en pierres, peintes en doré (je voyais le couleur malgré les nuages et l'atmosphère sombre, burmeuse, du cimetière) et collées sur la pierre tombale. J'étais tellement proche que je pouvais presque discerner le grain de la pierre. C'était une pierre de mauvaise qualité, peut-être friable. Elle finirait par se décomposer, avec le temps.

- Stéphenia. Je ne sais pas d'où vient le Harris, mais bon...

J'haussais presque les épaules, tournant de nouveau ma tête vers l'autre esprit. J'affichais un air désolé. Désolé de ne pouvoir lui dire mon nom, désolé de l'avoir oublié, désolé d'être si désolée. Et j'étais désolée aux deux sens du terme : désolée car je demandais pardon d'avoir été assez mauvaise pour être bannie (mais j'aurais voulu qu'on vienne m'expliquer le pourquoi du comment) et désolée dans mon âme. J'avais l'impression que ma mort avait laissé plus de traces que je n'aurais imaginé. Mais je n'arrivais pas à mettre la main dessus. Etait-ce mon corps qui avait des traces? Ou bien, était-ce mon âme? J'avais malheureusement peur qu'il ne s'agisse des deux.

- C'est mon jour de bonté, je serais prête à t'aider, à moins que tu ne préfères errer seule ici pour toujours... Les fantômes de ce cimetière sont sûrement charmants après tout...

Elle m'avait coupé dans mon monologue mental et j'avais perdu le cours de mes songeries. En attendant, elle avait raison. Il faudrait bien qu'un jour je sorte du cimetière, ou que j'aille voir ailleurs (si j'y étais... Mon corps, je veux dire!). Mais je ne me sentais pas prête... Pas du tout même. Elle commença à s'en aller. Moi je me levai de ma tombe et lui courrai après. Enfin, si on peut dire "courir" pour un désincarné...

- Euh... Vous pensez que je pourrais sortir... D'ici?